Page:Œuvres de Blaise Pascal, I.djvu/173

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MEMOIRE SUR LA VIE DE M. PASCAL,
ÉCRIT PAR
MADEMOISELLE MARGUERITE PERIER, SA NIÈCE.


[1]Lorsque M. Pascal eut un an[2], il luy arriva une chose très extraordinaire. Sa mère estoit, quoy que très jeune, très pieuse et très charitable ; elle avoit grand nombre de pauvres familles à qui elle donnoit chacune une petite somme par mois, et entre les pauvres femmes à qui elle faisoit ainsy la charité, il y en avoit une qui avoit la réputation d’estre sorcière : tout le monde le luy disoit ; mais sa mère, qui n’estoit point de ces femmes crédules et qui avoit beaucoup d’esprit, se mocquoit de ces avis, et continuoit toûjours à luy faire l’aumosne. Dans ce temps-là il arriva que cet enfant tomba dans une langueur semblable à ce que l’on appelle à Paris tomber en chartre[3]; mais cette langueur estoit accompagnée de deux circon-

  1. Le Premier Recueil Guerrier contient (p. DCXVII) une variante anonyme de cet incident, d’après un récit que Madame Perier aurait fait le 14 août 1661 au Menil, maison de campagne près de Clermont appartenant à M. de la Blatterie. On en trouver le texte dans les Lettres, Opuscules et Mémoires de madame Perier et de Jacqueline, sœur de Pascal, et de Marguerite Perier, sa nièce, publiés par P. Faugère, 1845, p. 471-473.
  2. Le récit anonyme dit : « Il n’avoit encore que deux ans. »
  3. La Mothe-le-Vayer, dans son Hexameron rustique, explique ainsi, dit M. Adam (Education de Pascal, 1888, p. 35, note 2) cette expression : « Les enfants, tombez en atrophies que nous disons estre en chartre, se portent aux Chartreux tous les vendredis de l’année. » (De l’intercession de quelques saints particuliers).