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BIOGRAPHIES

alors fort jeune[1], luy dit : « Puis que vous faites si bien des vers, faites-en pour moy. Elle, tout froidement, se retira en un coin, et fit une epigramme pour Mademoiselle, où il y avoit des choses qui faisoient bien voir qu’elle ne l’avoit pas apportée toute faite, car elle parloit du commandement que Mademoiselle venoit de luy en faire[2]. Mademoiselle, voyant que cela avoit esté si tost fait, luy dit : « Faites-en aussy pour Madame de Hautefort[3]. Elle fit à l’heure mesme une autre epigramme pour Madame d’Hautefort, qu’on voyoit bien aussy qui estoit faite sur le champ, quoiqu’elle fust fort jolie. Peu de temps apres, comme on eut permission d’entrer dans le cabinet de la Reyne, Madame de Morangis prit ma sœur et l’y mena. La Reyne fut toute surprise de ses vers ; mais elle s’imagina d’abord qu’ils n’estoient pas d’elle, ou du moins qu’on luy avoit beaucoup aydé[4]. Tous ceux qui estoient là presens eurent la mesme pensée ; mais Mademoiselle leur osta ce doute en leur montrant les deux epigrammes qu’elle venoit de

  1. Anne-Marie-Louise d’Orléans, fille de Gaston duc d’Orléans et de Marie de Bourbon, duchesse de Montpensier ; née le 29 mai 1627, elle était de deux ans plus jeune que Jacqueline Pascal. Elle raconte, au premier chapitre de ses Mémoires, qu’elle avait été invitée par la reine à passer à Saint-Germain cet hiver où l’attente d’un Dauphin occupait la Cour et le pays tout entier.
  2. Voir ci-dessous, p. 212.
  3. Voir ci-dessous, p. 212. Marie de Hautefort était entrée à la Cour en 1628, à l’âge de douze ans ; elle avait reçu le titre de Madame, en même temps que la survivance de la charge de dame d’atours de la Reine, charge occupée par sa grand’mère, Mme de la Flotte. « La Reine l’aimait et le Roi l’adorait », ajoute la Vie manuscrite publiée par Victor Cousin (Madame de Hautefort, 2e édit., 1868, p. 152).
  4. Comparer l’accueil qui sera fait quelques mois après à l’Essai pour les Coniques de Blaise Pascal. Vide infra, p. 245 sqq.