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JACQUELINE PASCAL

propres termes, qu’on pouvoit estre[1] la-dedans religieuse raisonnablement. Elle communiqua cette pensée à mon frere qui, bien loin de l’en destourner, l’y confirma, car il estoit dans les mesmes sentimens. Cette approbation la fortifia de telle sorte que depuis ce tems-la elle n’a jamais hesité un instant dans le dessein de se consacrer à Dieu.

Mon frere, qui l’aymoit avec une tendresse toute particuliere, estoit ravy de la voir dans cette sainte resolution, de sorte qu’il ne pensoit à autre chose qu’à la servir pour faire reüssir ce dessein ; et comme ils n’avoient ni l’un ni l’autre aucune habitude à P. R., il s’avisa de M. Guillebert, qui estoit une connoissance commune. Il le fut voir, et y mena ma sœur ; et M. Guillebert, l’ayant entretenue, en fut si satisfait qu’il la mena luy mesme à la mere Angelique qui la receut aussy avec beaucoup[2] de satisfaction et d’agrement. Depuis cela, ma sœur y alloit le plus souvent qu’elle pouvoit, estant fort esloignée. Les Meres luy dirent qu’il falloit s’adresser à M. Singlin et se mettre sous sa conduite, afin qu’il pust juger si l’estat de religieuse lui convenoit : elle ne manqua pas de faire ce qu’on lui ordonnoit. Dés la premiere fois que M. Singlin la vit, il dit à mon frere qu’il n’avoit jamais vu en personne de si grandes marques de vocation. Ce tesmoignage consola beaucoup mon frere, et l’obligea de redoubler ses soins pour le succez d’un dessein qu’on avoit tout sujet de croire qui venoit de Dieu. Toutes ces choses se passoient dans les premiers mois de l’année 1648, mon frere et ma sœur estant à Paris et mon pere à Rouën.

Au mois de may de cette année, mon pere estant venu

  1. F. : « Dans ce monastère. »
  2. F. : « de bonté. »