Page:Œuvres de Blaise Pascal, I.djvu/39

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riences décisives et de raisonnements concluants, bien propres à discréditer le bavardage d’école et à fonder la logique des sciences. Par la nouvelle astronomie l’homme avait appris combien il peut faire de chemin sans qu’il s’en doute : par les expériences sur la pression atmosphérique, il voyait que, sans que les sens l’en avertissent davantage, des forces énergiques, perpétuellement agissantes, pouvaient l’envelopper et le presser de toutes parts, intervenir comme causes principales, quoique longtemps ignorées, dans les phénomènes qui lui sont le plus familiers[1]. » C’est à la condition d’être envisagée à cette hauteur que l’histoire peut être écrite avec exactitude : quelques illusions que les époques ou les individus se soient faites à cet égard, la science est l’œuvre des générations successives et des groupes associés. Il n’est pas d’œuvre, fût-ce les Principes mathématiques de la philosophie naturelle ou la Méthode des fluxions, qu’un adversaire passionné ne pourra se croire autorisé à traiter de pot-pourri ; c’est ainsi que l’on a cru avoir diminué le génie de Pascal lorsqu’on s’est enfin aperçu qu’il n’avait pas été le premier à revendiquer les droits de la raison et de l’expérience en matière de recherche scientifique, ou qu’il n’avait pas inventé le baromètre, ou qu’il n’avait pas été le seul en France à poursuivre les expériences du vide. Une ignorance, fort excusable, avait substitué le seul Pascal au groupe parisien ou même européen dont il était devenu pour la postérité le plus illustre représentant ; inconsciemment on a été tenté de rejeter sur Pascal la faute de sa propre ignorance. Mais en fait la proles sine matre creata, qui est un miracle pour

  1. Considérations sur la marche des idées et des événements dans les temps modernes, 1872, t. I, p. 290.