Page:Œuvres de Blaise Pascal, I.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sonne le touchast qu’eux pour toutes choses generallement. Durant ces trois mois, ces messieurs, qui avoient autant de zele et de charité pour le bien spirituel du prochain que pour le temporel, remarquoient dans mon grand pere et dans toute sa famille beaucoup d’esprit, et regardant comme un tres grand dommage que tant de beaux talens fussent seulement employez à des sciences humaines dont ils connoissoient tous bien le neant et le vuide, ils s’attachèrent beaucoup à M. Pascal, mon oncle, pour le faire entrer dans des lectures de livres de pieté solide, et pour les luy faire goûter. Ils y reüssirent tres bien ; car, comme il avoit un esprit tres solide et tres bon, et qu’il n’avoit jamais accoutumé, quoy que tres jeune, à toutes les folies de la jeunesse, il connut avec ces Messieurs le bien ; il le sentit, il l’aima et il l’embrassa[1]. Et quand ils l’eurent gagné à Dieu, ils eurent toute la famille ; car lorsque mon grand pere commença à estre en estat de s’appliquer à quelque chose après un si grand mal, son fils, commençant à goûter Dieu, le lui fit goû-

  1. La version du P. Guerrier, qui abrège tout ce récit, contient pourtant un détail fort intéressant, que le manuscrit du P. Adry n’a pas recueilli : « Ils se servirent de cette occasion pour appeler à Dieu premierement M. Pascal le fils, ensuite Mademoiselle Pascal la fille, qui estoit alors recherchée en mariage par un conseiller du Parlement de Roüen. Tous deux ensuite, quand mon grand pere fut gueri, le porterent aussy à se donner pleinement à Dieu, ce qu’il fit avez joye aussi bien que ses deux enfans. C’estoit en 1646 et à la fin de 1646 M. et madame Perier estant allez à Rouën pour le voir, et les trouvant tout à Dieu, s’y donnerent aussi pleinement, et se mirent sous la conduite d’un prestre nommé M. Guillebert, docteur de Sorbonne. « Dès ce temps là, M. Pascal resolut d’abandonner le monde pour ne songer plus qu’à Dieu, et mademoiselle Pascal voulut se faire religieuse ; mais elle ne put executer cette resolution que six ans apres, aussy tost que son pere fut mort, parce qu’il ne vouloit point qu’elle le quittast. »