Page:Œuvres de Blaise Pascal, I.djvu/69

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ter aussy, et à ma tante, sa sœur, qui y entra si vivement qu’elle résolut des lors de quitter le monde et de se faire religieuse ; ce qu’elle a fait depuis, où elle est morte saintement. Ils firent tous connoissance avec ce saint curé, qui avoit attiré à Dieu ces deux Messieurs, et dont Dieu se servit ensuite pour esclairer toute notre famille, et ils se soumirent à la conduite de ce saint homme qui les conduisit à Dieu d’une maniere admirable.

Mon pere et ma mere, peu de temps aprez, allerent à Rouën voir mon grand pere ; et trouvant toute la famille à Dieu et dans des sentiments d’une vraye et solide pieté, ils s’y donnerent aussy, et se conduisirent de mesme par les avis de ce saint curé qui avoit fait tant de bien aux autres. Et ma mere ayant absolument quitté le monde et tous les ajustemens et les parures du monde, elle y renonça aussi pour ses enfants, qu’elle habilla tres modestement et à qui elle n’espargna rien pour leur procurer une bonne et sainte education.

Voilà quel a esté le principe de tout le bien qui a esté dans notre famille. Mon grand pere, peu de temps après, quitta la Normandie, dans le temps de la revocation generale de tous les intendans, lors des troubles de Paris[1]. Il y avoit esté si aymé et si estimé qu’une année, le premier jour de l’an, les eschevins de Rouën, au nom de la ville, luy firent present d’une bourse de jettons d’argent, qu’ils avoient fait battre exprez, qui avoient d’un costé les armes de la ville où il y a un agneau pascal, et

  1. « Les intendants de justice et toutes autres commissions extraordinaires non vérifiées en cours souveraines, seront revoquez des a present. » L’arrêt fut pris par le Parlement le 30 juin 1648, et vérifié le 18 juillet (Voir Mémoires d’Omer Talon, coll. Michaud et Poujoulat, p. 241 et 250).