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LETTRE DE JACQUELINE PASCAL A M. PERIER 99

les prétendus obstacles que l'amour propre suggère en ces occasions sont levez en un moment quand il lui plaist, et que, lorsqu'il le veut, il fait faire * par nécessité ce qu'on n'a pu faire volontairement. C'est une pensée que m'a donnée le bonheur de ma condition, qui me semblera imparfaite tant que ceux que j'aime comme mon frère et vous deux ne le cognoistront pas assez et n'y partici- peront point. Il est tel que je ne puis m'empescher de vous dire que je ne puis faire aucun autre souhait pour qui que ce soit, si ce n'est qu'il plaise à Dieu les mettre dans un plus parfait repos et une plus pleine asseurance, en les attirant à luy, qui est la seule fin où l'on tend dans tout ce qu'on fait. S'il luy plaist de faire cette miséricorde à ma chère sœur plutost qu'à nous, pourquoi nous oppo- serions nous à son bonheur P Je n'en veoy point d'autre dans le monde qu'une entière retraitte et un abandon ^ de toutes choses pour servir Dieu seul ; mais celuy là mesme n'est rien en comparaison de le posséder avec une entière plénitude et une asseurance certaine de ne le perdre jamais. Estouffons donc autant qu'il nous sera possible tous les sentiments de la nature, qui s'opposent trop fortement à ceux que la foy et la charité nous doivent donner sur ce sujet ; et puisque tous nos efforts et tous nos souhaits se- ront inutiles contre le décret de Dieu, faisons de bon cœur ce qu'il est nécessaire que nous fassions s'il l'a ré- solu. Dieu sait que j'ayme plus ma sœur, sans comparai- son, que je ne faisois lorsque nous estions toutes deux du monde, quoiqu'il me semblât en ce temps que l'on ne

��1, Cousin, malgré l'avertissement donné par Faugère, a maintenu la version : il faut faire, qui fait ici contresens.

2. General dans le manuscrit 12988, omis, peut-être par erreur dans le texte de Faugère {Vide infra, t. XI, p. 352).

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