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ŒUVRES

qui fait l’honnête homme. Le chancelier du Vair, que Pascal faisait profession d’admirer, auquel il dut cette profonde connaissance du Stoïcisme dont témoigne l’entretien avec M. de Saci, n’était-il pas le guide de la génération précédente, celui qu’au temps des barbons Étienne Pascal avait appris à apprécier dans la maison de M. Arnauld l’avocat ? Les plaisanteries de M. d’O étaient les bons mots de la vieille Cour, que Blaise Pascal avait pu entendre autrefois chez M. le Pailleur ou chez Madame de Morangis. Réduisons donc r « abjuration » de Pascal à ses justes proportions. Ce ne fut pas la révélation d’un monde nouveau pour lequel il aurait renoncé au monde ancien ; ce fut la découverte et l’intelligence de la génération nouvelle qui commençait à remplacer la génération de Voiture et des premiers précieux qui substituait aux règles artificielles du langage, au Code du sentiment, un retour au naturel et à la simplicité[1] : « Je suis, disait Méré, l’homme du monde qui a eu le moins d’affectation. »

Assurément donc plus d’une réserve doit donc être faite sur le récit de Méré ; Leibniz, qui riait presque des airs que M. le Chevalier de Méré s’est donné dans sa Lettre à M. Pascal[2], aurait ri tout à fait, je pense, en lisant dans un manuscrit relatant les propos du chevalier de Méré ce jugement ingénu sur l’auteur des Lettres Provinciales : « M. Pascal fit bien de se mettre à escrire trois mois après m’avoir vu ; mais il falloit continuer à me voir »[3] — ou cette appréciation som-

  1. Voir Faguet, Revue des cours et conférences, 9 avril 1896, p. 135.
  2. Die Philosophische Schriften, Ed. Gerhardt, t. IV, 1880, p. 570.
  3. Est-ce une allusion aux Provinciales, et au conseil que Méré lui aurait donné après la quatrième lettre de laisser absolument la matière de la Grâce pour attaquer la morale des Jésuites (Daniel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, 1696, p. 18, et Sainte-Beuve, Port-Royal, 5e éd., t. III, p. 99). — On trouve encore dans le manuscrit un écho de la conversation que Pascal aurait eue suivant le Recueil d’Utrecht