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ŒUVRES

faut qu’il trouve un second pour estre heureux. Il le cherche [1] le plus souvent dans l’égalité de la condition, à cause que la liberté et que l’occasion de se manifester s’y rencontrent plus aysement. Neantmoins l’on va[2] quelquesfois [3]bien au-dessus, et l’on sent le feu s’agrandir, quoy [4]que l’on n’ose pas le dire à celle qui l’a causé.

Quand l’on ayme une dame sans égalité de condition, l’ambition peut accompagner le commencement de l’amour ; mais en peu de temps il devient le maistre. C’est un tyran qui ne souffre point de compagnon ; il veut estre seul ; il faut que touttes les passions ployent et lui obéissent.

[5]Une haute amitié remplit bien mieux qu’une commune et égale : le cœur de l’homme est grand, les petittes choses flottent dans sa capacité ; il n’y a que les grandes qui s’y arrestent et qui y demeurent.

L’on escrit souvent des choses que l’on ne prouve qu’en obligeant tout le monde à faire reflection sur soy mesme, et à trouver la vérité dont on parle. C’est en cela que consiste la force des preuves de ce que je dis.

Quand un homme est délicat en quelque endroit

  1. C : bien.
  2. G : ira.
  3. G : au dessus.
  4. C : qu’on.
  5. La séparation de l’alinéa n’est pas marquée nettement dans le G (Giraud, Revue latine, 25 janvier 1908). La phrase dans C avait un tout autre aspect, par suite de l’omission du mot grand : « Une haute amitié remplit bien mieux qu’une commune et égale le cœur de l’homme ; et les petites… »