Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

28 ŒUVRES

repandit par-tout, et cette solitude dans les heures d’entretien, ne retentissoit plus que de ces discours. Il n’y avoit gueres de solitaire qui ne parlast d’automate. On ne se faisoit plus une affaire de battre un chien ; on luy donnoit fort indifferemment des coups de batons, et on se mocquoit de ceux qui plaignoient ces bestes comme si elles eussent senti de la douleur. On disoit que c’estoit des horloges ; que ces cris qu’elles faisoient quand on les frappoit, n’estoient que le bruit d’un petit ressort qui avoit esté remué, mais que tout cela estoit sans sentiment. On clouoit de pauvres animaux sur des planches par les quatre pattes, pour les ouvrir tout en vie, et voir la circulation du sang qui estoit une grande matiere d’entretien.

Le chateau de M. le Duc de Luines estoit la source de toutes ces curiositez, mais qui estoient inepuisables. On y parloit sans cesse du nouveau sisteme du monde selon M. Descartes, et on l’admiroit ; mais jamais on ne put voir M. de Sacy entrer dans ces sciences curieuses. « Quelle nouvelle idée me donne-t-on de la grandeur de Dieu, disoit-il, en me venant dire que le soleil est un amas de rognures et que les bestes sont des horloges ? » Et se riant doucement, quand on luy parloit de ces choses, il tesmoignoit plus plaindre ceux qui s’y arrestoient, qu’avoir envie de s’y arrester luy-mesme. Il me dit un jour, me parlant là-dessus en particulier, qu’il admiroit la conduite de Dieu dans ces nouvelles opinions, que M. Descartes et Aristote estoient comme un voleur qui venoit tuer un autre voleur, et luy enlever ses depouilles ; qu’Aristote peu à peu estoit enfin devenu le maistre des ministres de l’Eglise . « J’ay veu en Sorbonne, me dit-il, et je ne l’ay pu voir sans fremir, qu’un Docteur citant un passage de l’Ecriture, un autre le refuta hardiment