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56 ŒUVRES

hors la foy, se piquent d’une veritable justice ; pour desabuser ceux qui s’attachent à leurs opinions, et qui croyent trouver dans les sciences des veritez inebranlables ; et pour convaincre si bien la raison de son peu de lumiere et de ses egaremens, qu’il est difficile, quand on fait un bon usage de ses principes, d’estre tenté de trouver des repugnances dans les misteres : car l’esprit en est si battu, qu’il est bien eloigné de vouloir juger si l’Incarnation ou le mistere de l’Eucharistie sont possibles ; ce que les hommes du commun n’agitent que trop souvent.

« Mais si Epictete combat la paresse, il mene à l’orgueil, de sorte qu’il peut estre tres nuisible à ceux qui ne sont pas persuadez de la corruption de la plus parfaite justice qui n’est pas de la foy. Et Montaigne est absolument pernicieux à ceux qui ont quelque pente à l’impieté et aux vices. C’est pourquoy ces lectures doivent estre reglées avec beaucoup de soin, de discretion et d’egard à la condition et aux mœurs de ceux à qui on les conseille. Il me semble seulement qu’en les joignant ensemble elles ne pourroient reussir fort mal, parce que l’une s’oppose au mal de l’autre : non qu’elles puissent donner la vertu, mais seulement troubler dans les vices : l’ame se trouvant combattue par ces contraires, dont l’un chasse l’orgueil et l’autre la paresse, et ne pouvant reposer dans aucun de ces vices par ses raisonnemens ny aussi les fuïr tous. »

Ce fut ainsi que ces deux personnes d’un si bel esprit s’accorderent enfin au sujet de la lecture de ces philosophes, et se rencontrerent au mesme terme, où ils arriverent neanmoins d’une maniere 1 un peu differente :

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1. Un peu, est la leçon de M., non signalée par M. Bédier.