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62 ŒUVRES

amusemens du monde et par le reproche continuel que luy faisoit sa conscience, qu’il se trouvoit detaché de toutes choses d’une telle maniere qu’il ne l’avoit jamais esté de la sorte, ny rien d’approchant ; mais que d’ailleurs il estoit dans un si grand abandonnement du costé de Dieu, qu’il ne sentoit aucun attrait de ce costé-là ; qu’il s’y portoit neanmoins de tout son pouvoir, mais qu’il sentoit bien que c’estoit plus sa raison et son propre esprit qui l’excitoit à ce qu’il connoissoit le meilleur que non pas le mouvement de celuy de Dieu, et que dans le detachement de toutes choses où il se trouvoit, s’il avoit les mesmes sentimens de Dieu qu’autrefois, il se croyoit en estat de pouvoir tout entreprendre, et qu’il falloit qu’il eust eu en ces tems-là d’horribles attaches pour resister aux graces que Dieu luy faisoit et aux mouvemens qu’il luy donnoit. Cette confession me surprit autant qu’elle me donna de joye, et dés lors je conceus des esperances que je n’avois jamais eues, et je crus vous en devoir mander quelque chose, afin de vous obliger à prier Dieu. Si je racontois toutes les autres visites aussi en particulier, il faudroit en faire un volume ; car depuis ce tems elles furent si frequentes et si longues que je pensois n’avoir plus d’autre ouvrage à faire. Je ne faisois que le suivre sans user d’aucune sorte de persuasion ; et je le voyois peu à peu croistre de telle sorte que je ne le connoissois plus, et je crois que vous en ferez autant que moy si Dieu continue son ouvrage, et particulierement en l’humilité, en la soumission, en la defiance et au mepris de soy-mesme, et au desir d’estre aneanti dans l’estime et la memoire des hommes. Voilà ce qu’il est à cette heure. Il n’y a que

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1. Le recueil d’ Utrecht de 1740, et le manuscrit suivi par Victor Cousin donnent : [persécution].