Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/465

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fallu separer des autres, il vint à cette Religieuse une pensée de dire à cét enfant : Ma Fille, priez pour vostre œil, et la faisant toucher la Relique au même moment elle fut guerie. A quoi on ne pensa point tout à l’heure, chacune n’estant attentive qu’à la Devotion de la Relique. Aprés, cet enfant dit à une de ses petites Sœurs : Je pense que je suis guerie. C’est ce qui se trouva si vray qu’on ne pouvoit reconnoistre auquel de ses yeux avoit esté le mal.

Dieu a circonstancié ce Miracle de telle sorte que personne n’en a douté. Cet enfant appartient à un tres honneste homme Auvergnat, qui l’a mise chez nous à cause de sa belle-sœur qui est Religieuse. Elle avoit son mal dés qu’il l’y mit, il y a plus de deux ans, estant venu à Paris, et la laissant afin qu’elle fut mieux traittée. On y a fait tout ce qu’on a pu, excepté d’y mettre le feu, son pere ne pouvant se resoudre à luy faire souffrir cette douleur, quoy qu’on lui mandast souvent qu’il empiroit. Enfin trois semaines avant sa guerison, on fit venir un Chirurgien nommé Dalencé, qui est estimé le plus habile de Paris qui l’avoit desjà veue, pour la revoir avec grande attention, et faire son rapport pour l’envoier au pere. Il sonda le mal, et trouva l’os carié, tellement que la boue sortoit par le palais et par le nez, avec la mauvaise senteur que j’ay dit. Il dit que le mal estoit incurable à son avis : que s’il y avoit du remede, c’étoit le feu, mais qu’il doutoit encore qu’il le put guerir. On envoya ce rapport en Auvergne ; et aussi-tost le pere partit pour venir voir ce qu’il pourroit faire pour cet enfant que Dieu guérit cependant. Cet homme est fort de nos amis, et il souffroit autant de nostre persecution que du mal de sa fille ; de sorte qu’il avoit une grande tristesse pendant tout le chemin jusques à ce qu’il fut proche du Fauxbourg, qu’il luy prit un si grand mouvement de joye qu’il en estoit tout surpris ; et trouvant sa fille guerie, il crut que Dieu luy avoit fait sentir par cette joye la grace qu’il luy avoit faite.

Quand on vit la guerison, nostre Mere et la Mere Agnes deffendirent d’en parler à ceux qui viendroient à la Maison ;