Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/466

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350 ŒUVRES

on envoya prier M. Dalencé, Chirurgien, de venir. Lorsqu’il fut entré, et qu’on luy eut presenté l’Enfant, il dit sans la regarder : Mais que voulez-vous que je fasse, ne vous ai-je pas dit que le mal estoit incurable ? On luy repliqua plusieurs fois : Mais, Monsieur, je vous en prie, regardez-la encore. Ce qu’ayant fait, et la voyant guerie, il fut dans un extreme estonnement ; et quand on luy eût dit la maniere, il dit : Il n’y eut jamais de Miracle, si ce n’en est un. Puis estant sorti il rencontra nostre Medecin, qui luy demanda ce qu’il venoit de faire à la Maison ; et luy ayant raconté, il ajouta : Mais je vous prie, Monsieur, ne faisons point de bruit, car vous sçavez l’état de cette Maison. Quelques jours après, il luy prit une fievre continue, au troisiéme jour de laquelle il luy vint une pensée qu’il avoit tort de ne pas attester et publier ce Miracle ; et estant gueri, il le publie avec tant de zele qu’il l’a persuadé à tout le monde, principalement à la Cour. Plusieurs Medecins et Chirurgiens sont venus voir l’Enfant, et sur le rapport de M. Dalencé et de M. Cressé autre Chirurgien qui l’avait aussi veue quantité de fois dans son mal, ont attesté le Miracle ; de sorte que c’est un concours continuel de personnes qui viennent reverer la sainte Epine, et voir l’Enfant. Comme on ne peut nier le Miracle, ceux qui nous font heretiques disent que si on avoit porté la Relique à Charenton, elle y auroit aussi bien fait le Miracle que chez nous. Les autres disent que Dieu l’a voulu faire pour nous convertir. Pour cela je l’avoue de bon cœur, non de l’heresie où nous ne sommes pas, graces à Dieu, mais de beaucoup d’imperfections dont il nous fera la grande misericorde de nous guerir. Tant y a que nous ne sçavons pas si Dieu s’est voulu servir de ce Miracle, mais il semble qu’on s’adoucit pour nous. On a permis à mon frere d’Andilly de revenir, et on ne parle plus de nous oster nos Confesseurs. Enfin c’est une treve que Dieu nous donne, pour nous disposer à mieux souffrir, quand il luy plaira que la tempete recommence. En attendant nous continuerons à prier Dieu pour V. M.