Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/56

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XXXVIII INTRODUCTION

De ce point de vue on s’expliquera très bien qu’Escobar absolve le gentilhomme qui, pour défendre son honneur, n’a pas refusé de se battre en duel. Escobar aurait-il donc oublié que l’Écriture sainte et les Pères de l’Eglise demandent à l’homme de se résigner et de tout souffrir avec patience ? Non point, répondra M. Karl Weiss ; seulement ce genre de considération n’appartient pas à la théologie morale, il est du domaine de l’ascétique ; c’est Pascal, conclut-il, qui commet ici l’oubli : Er vergisst aber dabei, dass diese Betrachtungsweise in das Gebiet der Aszetik gehört 1 .

Nous mesurons maintenant la profondeur du fossé qui sépare Pascal de ses adversaires. Ce qui est en cause, ce n’est rien de moins que la racine de l’être spirituel, la forme de l’intelligence. Les Jésuites ne conçoivent, la religion à laquelle ils se sont soumis qu’à travers l’enseignement de l’Ecole ; les divisions des diverses disciplines théologiques prennent à leurs yeux la valeur de catégories innées auxquelles ils ne pourraient se soustraire sans renoncer à l’exercice même de leur pensée. Théologie morale et ascétique sont deux genres qui ont une réalité absolue, avec des lois radicalement différentes ; les Jésuites pourront donc se montrer, dans l’ascétique, aussi sévères vis-à-vis d’eux-mêmes (et Pascal n’avait pas manqué au devoir de reconnaître cette sévérité) qu’ils seront, dans la théologie morale, humains et indulgents à l’égard des pécheurs. Non seulement il n’y a là, pour eux, aucune contradiction ; mais ils n’arrivent pas à concevoir que les choses puissent se passer autrement. Ils ne comprennent pas que Pascal, attaquant sur le terrain de la théologie morale, ne commence pas par accepter les lois du genre ;

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1. Op. cit., p. 281.