Page:Œuvres de Blaise Pascal, IX.djvu/289

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DE L'ESPRIT GÉOMÉTRIQUE 269

paroist en cet exemple : Si on regarde au travers d'un verre un vaisseau qui s'esloigne toujours direc- tement, il est clair que le lieu du diaphane, où l'on remarque un point tel qu'on voudra du navire, haus- sera toujours par un flux continuel à mesure que le vaisseau fuit^ Donc, si la course du vaisseau est toujours allongée et jusques à l'infini, ce point haus- sera continuellement; et cependant il n'arrivera ja- mais à celuy où tombera le rayon horizontal mené de l'œil au verre, de sorte qu'il en approchera tous- jours sans y arriver jamais, divisant sans cesse l'es- pace qui restera sous ce point horizontal, sans y arri- ver jamais. D'où l'on voit la conséquence nécessaire qui se tire de l'infmité de l'estcndue du cours du vaisseau, à la division infinie et infiniment petite de ce petit espace restant au-dessous de ce point hori- zontal.

Geulx qui ne seront pas satisfaits de ces raisons, et qui demeureront dans la créance que l'espace n'est pas divisible à l'infiny, ne peuvent rien prétendre aux démonstrations géométriques ; et, quoy qu'ils puis- sent estre éclairez en d'autres choses, ils le seront fort peu en celles cy : car on peut aisément estre très habile homme et mauvais géomètre ^ Mais ceulx qui verront clairement ces veritez pourront admirer la

1. 11 est à remarquer que Pascal ne tient pas compte, ici, de la rotondité de la terre. La Logique de Port-Royal qui a repris dans la seconde édition tout ce développement sur l'infinité de petitesse (IVe partie, ch. i) a soin de préciser : « il n'y a qu'à s'imaginer une mer plate, que l'on augmente en longueur à l'infini — »

2. Cf. Pensées, fr. i, T, I, p. ii et suiv.

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