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DE L ART DE PERSUADER 277

riables dans chaque particulier avec une telle diver- sité, qu'il n'y a point d'homme plus différent d'un autre que de soy mesme dans les divers temps ^ Un homme a d'autres plaisirs qu'une femme; un riche et un pauvre en ont de differens ; un prince, un homme de guerre, un marchand, un bourgeois, un paysan, les vieux, les jeunes, les sains, les malades, tous varient ; les moindres accidens les changent.

Or, il y a un art, et c'est celuy que je donne, pour faire voir la Haison des veritez avec leurs prin- cipes soit de vray, soit de plaisir, pourveu que les principes qu'on a une fois avouez demeurent fer- mes et sans estre jamais démentis. Mais comme il y a peu de principes de cette sorte, et que hors de la géométrie, qui ne considère que des figures très simples, il n'y a presque point de veritez dont nous demeurions toujours d'accord, et encore moins d'objets de plaisir dont nous ne changions à toute heure, je ne sçay s'il y a moyen de donner des règles fermes pour accorder les discours à l'inconstance de nos caprices.

Cet art, que j'appelle Vart de persuader, et qui n'est proprement que la conduite des preuves métho- diques parfaites, consiste en trois parties essentielles : à définir les termes dont on doit se servir par des définitions claires : à proposer des principes ou axio- mes evidens pour prouver la chose dont il s'agit ; et à substituer toujours mentalement dans la démon- stration les définitions à la place des définis.

I. Cf. Pensées, particulièrement les fr. 122 et suiv. T. II, p. 45 sqq.

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