Page:Œuvres de Blaise Pascal, V.djvu/329

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ONZIÈME PROVINCIALE 313

voulut humilier Nicodeme qui se croyoit habile dans l’intelligence de la loy : Comme il le voyait enflé d’orgueil par sa qualité de Docteur des Juifs, il exerce et estonne sa presomption par la hauteur de ses demandes, et l’ayant reduit à l’impuissance de respondre. Quoy, luy dit-il, vous estes Maistre en Israël, et vous ignorez ces choses ? Ce qui est le mesme que s’il eust dit : Prince superbe reconnaissez que vous ne sçavez rien. Et S. Chrysostome et S. Cyrille disent sur cela qu’il méritait d’estre joüé de cette sorte.

Vous voyez donc, mes Peres, que s’il arrivoit aujourd’huy que des personnes qui feroient les maistres envers les chrestiens, comme Nicodeme et les Pharisiens envers les Juifs, ignoroient les principes de la Religion, et soûtenoient par exemple : qu’on peut estre sauvé sans avoir jamais aimé Dieu en toute sa vie 1, on suivroit en cela l’exemple de JESUS-CHRIST, en se joüant de leur vanité et de leur ignorance.


Je m’assure, mes Peres, que ces exemples sacrez suffisent pour vous faire entendre, que ce n’est pas une conduite contraire à celle des Saints, de rire des erreurs et des égaremens des hommes, autrement il faudroit blâmer celle des plus grands Docteurs de l’Eglise qui l’ont pratiquée, comme S. Hierome dans ses lettres 2 et dans ses écrits contre Jovinien,

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1. Cf. la dixième Provinciale, p. 269 sqq.

2. W. Epist. 84. 99. et 101. — Pascal résume dans ce passage un long développement d’Arnauld, cf. supra p. 286 sq.