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324 ŒUVRES

haine et de l’animosité, et qu’on ne doit jamais le faire à moins qu’il y en ait une necessité bien pressante pour le bien de l’Eglise. Il est donc visible que je n’ay manqué en aucune sorte à la discretion dans ce que j’ay esté obligé de dire touchant les maximes de vostre Morale : et que vous avez plus de sujet de vous loüer de ma retenuë, que de vous plaindre de mon indiscretion.

La troisiéme regle, mes Peres, est que quand on est obligé d’user de quelques railleries, l’esprit de pieté porte à ne les employer que contre les erreurs, et non pas contre les choses saintes ; au lieu que l’esprit de boufonnerie, d’impieté, et d’heresie se rit de ce qu’il y a de plus sacré. Je me suis desja justifié sur ce point. Et on est bien éloigné d’estre exposé à ce vice, quand on n’a qu’à parler des opinions que j’ay rapportées de vos Auteurs.

Enfin, mes Peres, pour abreger ces regles, je ne vous diray plus que celle-cy, qui est le principe et la fin de toutes les autres. C’est que l’esprit de charité porte à avoir dans le cœur le desir du salut de ceux contre qui on parle, et à adresser ses prieres à Dieu, 1 en mesme temps qu’on adresse ses reproches aux hommes. On doit tousjours, dit S. Augustin 2, conserver la charité dans le cœur, lors mesme qu’on est obligé de faire au dehors des choses qui paroissent rudes aux hommes, et de les frapper avec une aspreté dure, mais bienfaisante, leur utilité devant estre pre-

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1. W. pro illis.

a. W. Epist. 5. — Cf. la lettre d’Arnauld, supra p. 292 sq.