Page:Œuvres de Blaise Pascal, VI.djvu/55

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TREIZIÈME PROVINCIALE 39

Et ce principe general estant affermi vous avancez separément des choses, qui pouvant estre innocentes d’elles-mesmes, deviennent horribles estant jointes à ce pernicieux principe. J’en donneray pour exemple ce que vous avez dit page 11 . dans vos impostures 1 , et à quoy il faut que je réponde ; Que plusieurs Theologiens celebres sont d’avis qu’on peut tuer pour un soufflet reçeu. Il est certain, mes Peres, que si une personne qui ne tient point la probabilité, avoit dit cela, il n’y auroit rien à reprendre, puis qu’on ne feroit à lors qu’un simple recit qui n’auroit aucune consequence. Mais vous, mes Peres, 2 et tous ceux qui tiennent cette dangereuse doctrine, que tout ce qu’approuvent des Auteurs celebres, est probable et seur en conscience, quand vous adjoustez à cela que plusieurs Auteurs celebres sont d’avis qu’on peut tuer pour un soufflet, qu’est-ce faire autre chose, sinon de mettre à tous les Chrestiens le poignard à la main pour tuer ceux qui les auront offensez, en leur declarant qu’ils le peuvent faire en seüreté de conscience ; parce qu’ils suivront en cela l’avis de tant d’Auteurs graves 3 ?

Quel horrible langage, qui en disant que des Auteurs tiennent une opinion damnable, est en mesme temps une decision en faveur de cette opinion damnable, et qui autorise en conscience tout ce qu’il ne fait que rapporter ! On l’entend, mes Peres, ce lan-

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1. Cf. la quatrième Imposture, supra p. 7.

2. B. [qui tenez]; W Vos qui .... juravistis.

3. Cf. le développement de la même idée dans l’écrit d’Hermant, supra p. 15.