Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/114

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il a été infidèle au christianisme vrai qui est l’antagonisme, « l’opposition invincible » de l’homme et de Dieu.

Voilà ce qu’a vu, ce qu’a prévu Pascal ; voilà pourquoi il refuse de chercher une conciliation entre la vérité nouvelle de Descartes et la vérité ancienne de l’Évangile. Juxtaposer le christianisme au monde et à la civilisation, les laisser subsister côte à côte comme s’ils ne devaient pas être modifiés par leur contact réciproque, c’est la marque d’une mauvaise conscience religieuse. Il appartient au jansénisme de réveiller le chrétien qui s’assoupit dans les formes littérales et superficielles du culte, de le convertir à sa propre foi qu’il ignore. Dieu est le principe et la fin de l’homme à cause de l’impuissance de l’homme ; mais, parce que l’homme est impuissant, l’homme est incapable de connaître naturellement et directement son principe et sa fin. La religion doit être vraie pour l’homme, et elle ne peut être vraie que contre l’homme. Cette contradiction, que ses contemporains essaient d’atténuer ou de dissimuler, apparaît à Pascal comme la raison d’être du christianisme. C’est trahir Jésus que de le mettre à la remorque de Descartes, comme la théologie de l’Ecole l’avait mis à la remorque d’Aristote païen ou de Philon juif : « Pour les religions il faut être sincère : vrais païens, vrais juifs, vrais chrétiens[1]. »

On comprend dès lors la destinée de Pascal dans l’histoire de l’esprit humain. Il ne s’est pas contenté de nier la vérité de la philosophie moderne ; il a refusé d’aborder le problème de la vérité dans les termes nouveaux où cette philosophie le pose. Tandis que le cartésianisme inaugure la méthode critique qui devait trans former les conditions de la pensée, Pascal emprunte à Mon-

  1. Fr. 590.