Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/116

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les Pensées d’une manière bien inquiétante. Certes le traditionalisme radical de Joseph de Maistre serait plus conforme à l’esprit de Pascal ; mais le jansénisme est pour l’auteur du Pape l’hérésie par excellence, et tel sera désormais l’enseignement officiel de l’Église. Qu’on lise les leçons dogmatiques professées en Sorbonne par l’abbé Lavigerie (Exposé des erreurs doctrinales du jansénisme, Paris, 1860), qu’on les rapproche des pamphlets de MM. Ricard et Fuzet, ou de l’édition de M. Didiot ; on sera persuadé, selon une formule des Pensées, et peut être trop. Récemment enfin, lorsqu’à la suite des profondes études de l’école protestante, de Vinet surtout et d’Astié, certains penseurs catholiques ont tenté de réédifier l’Apologétique sur la base psychologique et morale que Pascal lui avait assignée, ils ont tracé entre l’homme et Dieu une voie de continuité qui contredit expressément la transcendance radicale des ordres pascaliens[1]. Pour entendre des accents qui pourraient être rappelés après

  1. Nous ne voudrions pas abuser de l’expression de « méthode d’immanence » que MM. Blondel et Laberthonnière ont employée, et dont l’application est ici équivoque. Il nous suffira, pour établir à cet égard l’objectivité de notre critique, de citer cette profession intime du chef de l’Apologétique nouvelle : intéressante et remarquable en soi, elle est un désaveu formel non du procédé de Pascal seulement, mais de sa conception religieuse tout entière : « Il faudra aussi que je fasse un petit traité sur le rôle de la Philosophie dans le relève ment des esprits. La tâche des petits, des médiocres, des modestes : pas petite ni médiocre : élucider notions et faits.

    Une première philosophie, où je voudrais que tous les esprits, même positivistes, fussent d’accord avec moi.

    Une seconde philosophie, où je voudrais que quiconque admet quelque chose d’idéal, me donnât raison.

    Et je monterais peu à peu. J’arriverais au théisme. J’arriverais à la philosophie chrétienne, œuvre de raison, mais d’une raison purifiée, guérie, fortifiée, soutenue, capable alors d’aller au bout d’elle-même, et enfin de se dépasser, ce qui n’est pas se mettre hors de toute rai-