Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/121

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tionnelle. Elle définit et elle démontre, de la façon qu’il faut définir et démontrer ; mais elle n’est pas capable de définir tout et de démontrer tout. Les premiers termes supposeraient d’autres termes qui auraient à leur tourbe soin d’être définis, les premières propositions suppose raient d’autres propositions qui auraient à leur tour besoin d’être démontrées. La raison humaine se sent faite pour l’infini[1] ; il faut pourtant qu’elle s’arrête à des mots primitifs et à des principes irréductibles, il faut donc qu’elle s’avoue impuissante à réaliser la perfection de l’ordre quelle avait conçu. Sans doute cette impuissance n’est pas un obstacle pour le géomètre ; il se sent soutenu par un instinct qui lui fait apercevoir, avec une clarté supérieure à toute explication logique, les principes auxquels devra se suspendre la chaîne des définitions et des démonstrations ; il y a un esprit géométrique qui équivaut à une intuition du cœur[2]. Mais la méthode géométrique n’en reste pas moins en défaut aux yeux de la raison qui réclame une justification infaillible ; en dévoilant l’incertitude des axiomes, l’impossibilité d’établir des définitions pour les termes primitifs, la raison se condamne elle-même au pyrrhonisme[3] ; si dans la pratique et pour le savant la géométrie est certaine, théoriquement et pour le philosophe, elle n’est pas convaincante. Dès lors, s’il advient qu’il y ait contestation sur les principes de la géométrie, comment trancher le débat ? À qui n’accepte pas la proposition suivante de l’arithmétique : « retranchez

  1. « L’homme qui n’est produit que pour l’infini. » (Fragment d’un traité du vide.)
  2. Fr. 1 et 282.
  3. Entretien avec M. de Saci.