Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/122

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4 de 0, il reste 0 », nous n’aurons d’autre ressource que de dire ce que Pascal disait de Méré : « il n’est pas géomètre[1] ». Si l’on nie la possibilité de diviser l’espace à l’infini (ce qui est pourtant une vérité fondamentale de la science, et la condition de son extension), nous n’aurons pas le moyen de la faire apercevoir directement, nous ne pouvons pas faire toucher du doigt ces infiniment petits qui sont l’objet de nos raisonnements ; nous ne sommes capables de démontrer que l’absurdité des indivisibles, nous substituons à l’affirmation de la vérité la négation de l’erreur[2]. Ainsi, même sur ce terrain privilégié de la géométrie où elle semble être seule en face d’elle-même, où elle est assurée d’un consentement presque unanime, la raison apparaît impuissante à posséder directement la vérité ; elle ne termine pas son œuvre suivant le modèle qu’elle avait tracé.

Qu’arrive-t-il alors dans une science comme la physique, qui doit laisser place aux impressions des sens ? La raison réclame comme siens les principes sur lesquels elle s’appuie. Or il se trouve que ces principes sont contradictoires entre eux. Au nom de la raison il a paru légitime de soutenir qu’il ne pouvait y avoir de vide dans la nature, et qu’il fallait corriger les illusions nées de l’apparence sensible — mais ce prétendu principe de la raison est-il autre chose qu’un préjugé né de l’autorité ? n’est-ce point l’École qui sur ce point comme sur tant d’autres a corrompu le « sens commun[3] » ? La raison est incapable de résoudre le problème qu’elle a soulevé ; elle veut en appeler à l’évidence, et elle ne peut envelopper sous

  1. Fr. 72, et 1 (note, infra p. 15).
  2. De l’esprit géométrique.
  3. Fr. 82.