Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/219

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cer par se bien connaître eux-mêmes. Toute autre voie, quoi que bonne en soi, ne convenait point, selon lui, à la ma nière dont ils sont faits ; au lieu que celle-ci lui paraissait conforme à l’étatdeleurcœuretde leur esprit, et d’autant plus propre à les rendre capables de connaître Dieu et d’y croire qu’elle les porte à souhaiter qu’il soit et à faire consister tout leur bien et toute leur consolation à n’en pouvoir douter.

C’est ce qui paraît par tout ce qu’on voit dans ces fragments et par diverses choses qu’on en a retranchées, comme trop imparfaites et qui ne marquaient que l’ordre qu’il se propo sait de garder. Mais, outre cela, on le sait encore par un dis cours qu’il fit un jour en présence de quelques-uns de ses amis et qui fut comme le plan de l’ouvrage qu’il méditait. Il parla pour le moins deux heures ; et quoique ceux qui s’y trouvèrent fussent des gens d’un esprit à admirer peu de choses, comme on en conviendrait aisément si je les nommais, ils reconnaissent encore présentement qu’ils en furent trans portés ; que cette ébauche, toute légère qu’elle était, leur donna l’idée du plus grand ouvrage dont un homme puisse être capable ; et que l’éloquence, la profondeur, l’intelligence de ce qu’il y a de plus caché dans l’Écriture, la découverte de quantité de choses qui avaient jusqu’ici échappé à tout le monde, et tout ce qu’ils virent de l’esprit de M. Pascal, dans ce peu de temps, ne leur permit pas de douter qu’il ne fût propre à exécuter un si grand dessein et leur persuada de plus que, s’il ne l’achevait, il demeurerait longtemps imparfait.

Soit qu’à ce qu’il y avait d’effectif et de sa part et de la leur, il s’y joignit encore quelque chose de cette union d’esprit et de sentiments qui échauffe et donne de nouvelles forces, ou que ce lut un de ces moments heureux où les plus habiles se surpassent eux-mêmes et où les impressions se font si vives et si profondes ; tout ce que dit alors M. Pascal leur est encore présent et c’est d’un d’eux que plus de huit ans après on a appris ce qu’on en va dire.

Après donc qu’il leur eut exposé ce qu’il pensait des preuves dont on se sert d’ordinaire, et fait voir combien celles qu’on tire des ouvrages de Dieu sont peu proportionnées à l’état naturel du cœur humain, et combien les hommes ont la tète peu propre aux raisonnements métaphysiques, il montra clairement qu’il n’y a que les preuves morales et historiques,