Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/230

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de confiance et si peu de succès, et par conséquent qu’ils ont plus vu que tout le reste des hommes ensemble.

Mais ce qu’il y a de plus considérable, c’est qu’ils nous apprennent que ces remèdes ne sont point dans nos mains. Tous les autres ont voulu, les uns, qu’il n’y en eût point, les autres, que nous en fussions les maîtres, et par là ont abusé tous ceux qui s’y sont liés ; au lieu que ceux-ci, avec une sin cérité dont il ne semble pas que jamais un imposteur put s’aviser, nous assurent que nous ne pouvons rien de tout ce qu’ils nous prescrivent, que nous naissons corrompus et dans l’impuissance de résister à cette corruption ; et que tant que nous n’agirons que par nos seules forces, nous succomberons infailliblement à ces mêmes passions qu’ils nous ordonnent de surmonter. Mais en même temps ils nous avertissent que c’est à Dieu que nous devons demander ces forces qui nous manquent, qu’il ne nous les refusera pas, et qu’il enverra même un libérateur aux hommes qui, satisfaisant pour eux à la colère de Dieu, réparera cette impuissance, et les rendra capables de tout ce qu’il demande d’eux.

Que ce système est beau, quoi qu’on en puisse dire, et qu’il est conforme aux apparences et à la raison même, autant qu’elle y peut avoir de part ! Considérons-le tout à la fois, pour en mieux comprendre la grandeur et la majesté. Toutes choses sont créées par un Dieu à qui rien n’est impos sible. L’homme sort de ses mains en un état digne de la sagesse de son Auteur. Il se révolte contre lui, et perd tous les avan tages de son origine. Le crime et le châtiment passent dans tous les hommes, et par là ils doivent naître injustes et corrompus, comme on voit qu’ils le sont. 11 leur reste un sentiment obscur de leur première grandeur ; et il leur est dit qu’ils y peuvent être rétablis. Ils ne sentent en eux aucune force pour cela, et il leur est dit qu’ils n’en ont point en eiî’et, mais qu’ils en doivent demander à Dieu. Ils se trouvent dans un éloignement de Dieu si terrible, qu’ils ne voient aucun moyen de s’en rapprocher ; et on leur promet un médiateur qui fera cette grande réconciliation.

Que peut faire là-dessus un homme de sens et de bonne foi, sinon de reconnaître que jamais on n’a rien dit d’appro chant, et que ceux qui oui ainsi parié, pour peu qu’ils aient des preuves, méritent assurément qu on les croie ? Il y a