Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/242

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mourant d’en être bien traités, si nous avons quelque idée de ce qu’on lui doit !

Que nous ont-ils appris proprement qu’à faire bonne mine au milieu de nos misères ? Et quand ils auraient été jusqu’à la source en quelque chose, nous ont-ils découvert à fond notre corruption et notre impuissance, et d’où nous en devons attendre les remèdes ? Cet amour-propre qui se cherche par tout, et l’orgueil, ou du moins cet applaudissement intérieur dont on se repaît au défaut de la gloire et des richesses, sont ils guéris par leurs préceptes ? Et combien de gens ont exac tement pratiqué toutes leurs maximes, et s’en sont préférés aux autres, qui auraient pourtant eu honte qu’on vît ce qui se passait dans leur cœur ? Toute l’honnêteté humaine, à le bien prendre, n’est qu’une fausse imitation de la charité, cette divine vertu que Jésus-Christ est venu nous enseigner, et jamais elle n’en approche. À quelque point qu’elle l’imite, il y manque toujours quelque chose ; ou plutôt tout y manque, puisqu’elle n’a pas Dieu pour son unique but, car quoi que puissent prétendre ceux qui l’ont portée le plus haut, la jus tice dont ils se vantent a des bornes bien étroites, et ils ne jugent que de ce qui se passe dans leur enceinte, qui ne va pas plus loin que l’intérêt et la commodité des hommes. Il n’y a que les disciples de Jésus-Christ qui sont dans l’ordre de la justice véritablement universelle, et qui, portant leur vue dans l’infini, jugent de toutes choses par une règle infaillible, c’est-à-dire par la justice de Dieu. Que ne doivent ils donc point à celui qui a dissipé les nuages qui la cou vraient depuis si longtemps, et qui leur a appris qu’ils devaient aspirer à l’éternité, et les véritables moyens d’y arri ver ? Et comment pourraient-ils prendre pour un homme comme les autres celui qui non seulement a si bien connu cette justice, mais qui l’a encore si ponctuellement accomplie ; puisqu’à en juger sainement, il n’est pas moins au-dessus de l’homme de vivre comme il a vécu, et comme il veut que nous vivions, que de ressusciter les morts et de transporter les montagnes ? Enfin, s’il n’y a point de Dieu, il est inconce vable qu’une aussi haute idée que celle de la religion chré tienne puisse naître dans l’esprit d’un homme, et qu’il puisse y conformer sa vie : et s’il y en a un, Jésus-Christ a dû avoir un commerce si étroit avec lut pour en parler comme il a