Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/253

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et dont on ne leur puisse rendre la dernière raison. Mais ils ne voient pas que l’avantage qu’ils croient en tirer, de ne rien recevoir que d’incontestable, est bien moindre qu’ils ne pensent ; et que, bien loin qu’ils se garantissent par là de l’erreur, c’est au contraire ce qui les y plonge, en les privant d’une infinité de vérités, dont l’ignorance est une erreur très grossière et très positive, et qu’ils se rendent néanmoins presque incapables de goûter. Car l’habitude qu’ils se t’ont de ce doute perpétuel, et de tout réduire aux ligures et aux mouvements de la matière, leur gâte peu à peu le sentiment, les éloigne de leur cœur à n’y pouvoir plus revenir, et les porte enfin à se traiter eux-mêmes de machines. Qu’y a-t-il de plus capable de les rendre insensibles aux raisons et aux preuves de M. Pascal, quoiqu’ils aient moins de sujet que personne, de croire qu’il lût homme à s’abuser, et que dans leur ordre même ils l’aient regardé, ou dû regarder au moins avec admiration ?

Enfin, il se trouve une certaine sorte de gens presque aussi rares que les vrais chrétiens, et qui semblent moins éloignés que les autres de le pouvoir devenir. Ceux-là ont connu la corruption des hommes, leurs misères, et la petitesse de leur esprit. Ils en ont recherché des remèdes, sans connaître le fond du mal ; et regardant les choses d’une manière univer selle, autant qu’on le peut humainement, ils ont vu ou cru voir ce que les hommes se doivent les uns aux autres ; eV quelques-uns ont porté aussi loin qu’il se peut les recherche ? : de l’esprit, et l’idée des vertus naturelles. S’il y avait quelque, chose de grand entre les hommes, et que cette gloire qu’ils’ peuvent recevoir les uns des autres fût de quelque prix, ceux- là seuls y pourraient prétendre quelque part. Et comme ce n’est proprement que parmi eux qu’il y a de l’esprit et de l’honnêteté, il semble qu’on en puisse plus espérer que de tout le reste, et qu’ils n’aient qu’un pas à faire pour arriver au christianisme. Mais c’est, à le prendre en un autre sens, ce qui les en éloigne ; puisqu’il n’y a point de maladies si dangereuses que celles qui ressemblent à la santé, ni de plus grand obstacle à la perfection que de croire qu’on l’a trouvée.

La charité, s’il est permis d’user de cette comparaison, peut être regardée comme un ouvrage admirable, qui aurait