Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/356

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    dans une longue notice consacrée à Pascal : « Il concevait l’éloquence comme un art de dire les choses de telle façon : 1° que ceux à qui l’on parle les puissent entendre sans peine et avec plaisir ; 2° qu’ils s’y sentent intéressés, en sorte que l’amour-propre les porte plus volontiers à y faire réflexion. C’est pourquoi il la faisait consister dans une correspondance qu’on tâche d’établir entre l’esprit et le cœur de ceux à qui l’on parle d’un côté, et de l’autre les pensées et les expressions dont on se sert : ce qui suppose qu’on aura bien étudié le cœur de l’homme pour en savoir tous les ressorts et pour trouver ensuite les justes proportions du discours qu’on veut y assortir. M. Pascal se mettait à la place de ceux qui devaient l’entendre, et il faisait essai sur son propre cœur du tour qu’il donnait à son discours, pour voir si l’un était fait pour l’autre, et s’il pouvait s’assurer que l’auditeur serait comme forcé de se rendre. Il se renfermait donc le plus qu’il pouvait dans le simple naturel ; ce qui était petit, il ne le faisait pas grand, ce qui était grand, il ne le faisait pas petit. Ce n’était pas assez pour lui qu’une chose fût belle : il fallait qu’elle fut propre au sujet, qu’il n’y eût rien de trop, ni rien de manque. Il s’était fait par ce moyen un style naïf, juste et agréable, fort, et naturel ; et ce style lui était si propre, que dès qu’on vit paraître les Provinciales ? on l’en jugea auteur, quelque soin qu’il eût pris de le cacher même à ses proches. » — Or il n’y a pas de doute que Bossut n’ait « arrangé » le fragment du supplément d’après la page de Besoigne, en lui donnant une forme impersonnelle : « L’éloquence est un art… il faut se mettre à la place… » Il suffit de considérer dans le même supplé ment le fragment qui précède ; Dans un état établi en République comme Venise et le fragment qui suit : « L’Écriture sainte n’est pas une science de l’esprit. » Tous les trois sont reproduits chez Bossut d’après la rédaction de Besoigne qui paraphrase la Vie écrite par Madame Périer. Pour ce qui concerne le passage sur l’éloquence, le docteur Besoigne avait trouvé la page suivante dans la Vie de Madame Périer. « Il avait une éloquence naturelle qui lui donnait une facilité mer veilleuse à dire ce qu’il voulait ; mais il avait ajouté à cela des règles dont on ne s’était pas encore avisé, et dont il se servait si avantageu sement, qu’il était maître de son style ; en sorte que non seulement il disait tout ce qu’il voulait, mais il le disait en la manière qu’il vou— ; lait, et son discours faisait l’effet qu’il s’était proposé. Et celte’manière d’écrire naturelle, naïve et forte en même temps, lui était si propre et si particulière, qu’aussitôt qu’on vit paraître les Lettres au provincial, on vit bien qu’elles étaient de lui, quelque soin qu’il ait toujours pris de le cacher, même à ses proches. » Besoigne a recherché ! ces règles de style dans les Réflexions sur l’art de Persuader : « Il paraît de là que, quoi que ce soit qu’on veuille persuader, il faut avoir égard à la personne à qui on en veut, dont il faut connaître l’esprit et le cœur, quels principes il accorde, quelles choses il aime ; et ensuite