Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/410

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en apparence, que cet autre qui[1] crève les yeux. De omni scibili[2].

On se croit naturellement bien plus capable d’arriver[3] au centre des choses que d’embrasser[4] leur circonférence ; l’étendue visible du monde nous sur passe visiblement ; mais comme c’est nous qui surpassons les petites choses, nous nous croyons plus capables de les posséder[5], et cependant[6] il ne faut pas moins de capacité pour aller jusqu’au néant que jusqu’au tout ; il la faut infinie[7] pour l’un et l’autre, et il me semble que qui aurait compris les derniers principes des choses pourrait aussi arriver jusqu’à connaître l’infini. L’un dépend de l’autre, et l’un conduit à l’autre. Ces extrémités se touchent et se réunissent à force de s’être éloignées, et se retrouvent en Dieu, et en Dieu seulement[8].

  1. [Blesse la vue.]
  2. Titre de l’une des neuf cents thèses que Pic de la Mirandole se proposait de soutenir publiquement à Rome en 1486 (la discussion en fut d’ailleurs interdite par le pape) : Per numeros habetur via ad omnis scibilis investigationem et intellectionem ad cujus conclusionis verificationem polliceor me ad infra scriptas LXXIV quæstiones per viam numerorum responsurum. Thèses mathématiques, no XI (cité par Havet).
  3. [Jusqu’au bout.]
  4. [Toutes choses.]
  5. « Je n’ai jamais connu personne qui ait pensé qu’un espace ne puisse être augmenté. Mais j’en ai vu quelques-uns, très habiles d’ail leurs, qui ont assuré qu’un espace pouvait être divisé en deux parties indivisibles, quelque absurdité qu’il s’y rencontre » (Réflexions sur l’esprit géométrique).
  6. [Elle nous échappe aussi certainement que nous échappons à tout [à l’immensité.]
  7. [En] l’un et [en] l’autre.
  8. Pascal retrouve ici des pensées voisines des fameuses formules de Giordano Bruno sur Dieu unité du maximum et du minimum (c. Bartholmess, op. cit., t. II, p. 148, 334, et surtout 206-207).