Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/85

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qui ont traité de la matière », de Montaigne et de Charron pour la connaissance de soi, de Raymond Sebon et de Grotius pour la vérité de la religion chrétienne. Enfin à chaque page de l’Apologie devait apparaître, comme la source et l’inspiration de toutes les doctrines, l’Ecriture qui apporte la parole de Dieu, avec l’autorité décisive des interprétations données par saint Augustin et par Jansénius. En plus d’un endroit même, à la faveur des lettres et des dialogues qui devaient être insérés dans le corps de l’ouvrage, Pascal se serait effacé devant les maîtres pro fanes ou sacrés qu’il s’était choisis.

Mais Pascal ne lit pas seulement en auteur et pour son Apologie, il lit pour lui : « Ce n’est pas dans Montaigne, mais dans moi que je trouve tout ce que j’y vois (fr. 64). » Non seulement il est doué d’une mémoire singulière, à ce point qu’il n’aurait jamais oublié ce qu’il avait lu seulement une fois ; mais l’imagination égale en lui la mémoire : elle évoque le fait concret derrière la description abstraite, et par delà Fauteur elle fait surgir l’homme. Pascal a connu Montaigne, il a causé avec lui, l’avertissant et lui faisant des reproches. Il a entendu dans la Bible la voix même des Jérémie et des Isaïe ; il a gravi le mont des Oliviers à la suite des Evangélistes, il a vu Jésus, et la goutte de sang qui tombait pour lui à l’heure de l’agonie.

Aussi, travaillant à son « ouvrage contre les athées », Pascal n’a jamais été seul. Il a besoin de « communication » ; il s’est « dégoûté » des sciences abstraites parce qu’elles l’isolaient de l’humanité ; il vit désormais avec les hommes, avec les mauvais chrétiens qu’il combat, avec les libertins qu’il veut convertir, comme avec les prophètes d’Israël dont il partage les luttes et les espoirs, comme avec le Médiateur qui le fait entrer en société