Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/96

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rique » qui ferait pendant aux Discours de Méré sur la Conversation, les Agréments, l’Éloquence, etc. Celte Rhétorique se rattache sans doute aux réflexions sur l’Esprit géométrique et sur l’Art de persuader ; mais par fois aussi elle se relie étroitement à la méthode même et au fond de l’Apologie. Que l’on ouvre la Doctrine curieuse des Beaux Esprits de ce temps, par le Père Garasse de la Compagnie de Jésus (1623)[1], et qu’on la compare avec l’Apologie que Pascal dirigeait contre les libertins et les athées, on apercevra la part de collaboration inconsciente qu’il convient d’attribuer à Méré.

Pourtant, dans le souvenir de cette séduction mondaine qui sera comme sanctifiée si Dieu veut qu’elle tourne à la conquête des âmes et à la gloire de la vérité, une image se dresse plus profonde et plus vive encore que celle de Méré. C’est Miton que Pascal prend à partie dans ses fragments ; c’est à lui qu’il reproche l’injustice du moi, la feinte vertu de l’honnêteté qui couvre l’amour-propre et qui ne l’ôte pas ; c’est lui enfin qu’il somme de se

  1. Voici un échantillon de ce style : « Supposé que cette maxime soit véritable qu’il faut laisser chacun en sa créance, puisqu’il n’y a rien de plus libre au monde que le croire : Il me plaît de croire que nos nouveaux dogmatisants sont des faquins, des invrognets, des caba retiers, des escornifleurs, des gueux, des chercheurs de repue franche, des niais qui n’ont ni esprit ni cervelle, des moucherons de taverne, des punaises de cour ; et s’ils sont si étourdis que de s’offenser de mes paroles, je dirai que telle est ma créance et que suivant leurs prin cipes il se faut bien garder de forcer ou contraindre la créance des hommes… Je dirai à ce compte qu’Anaxagoras avait raison de dire que la neige est noire, et pour toute excuse qu’il le croyait ainsi, que Démocrite était un bel entendement quand il disait que le Ciel est composé d’atomes, car il le croyait ainsi, que Copernicus était un habile homme, disant que la terre marche continuellement et que le Ciel s’arrêta, car il le croyait ainsi, etc. » (L. III, sect. V, § 3 et 4, p. 233.)