Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/98

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« dédain » et le « froid silence. » Comment faire naître dans cette âme l’inquiétude de la destinée, qui est le ferment de la foi ? comment faire surgir de ce fond de scepticisme et de pessimisme le souci de la vérité éternelle et l’attente de la béatitude ? ce problème tragique qui donne aux Pensées leur accent incomparable, c’est Miton qui l’a posé à Pascal.

La religion fournit la réponse à la question ; mais encore faut-il qu’elle soit le christianisme vrai, dans sa pureté et dans son intégrité. C’est de ce christianisme que Pascal s’inspire et se nourrit, du jour où il fut initié aux doctrines qui se répandaient autour de Saint-Cyran : Jansénius est à ses yeux l’interprète authentique du Christ. L’Augustinus contient toute la matière de l’enseignement religieux, exposée suivant la méthode propre à la théologie qui est l’histoire, et pourtant liée de façon à satisfaire la rigueur du logicien qui y comprend, en même temps que l’enchaînement des mystères de la corruption et de la rédemption, la misère de l’homme qui cherche à vivre sa vie naturelle, la ruine et la perversion de toute philosophie qui prétend définir la vérité à la mesure de la raison. C’est la Somme du christianisme restauré ; elle se dresse en contraste absolu, de forme et de fond, avec la Somme Théologique de saint Thomas d’Aquin qui n’est plus aux yeux de Jansénius qu’un manuel d’éclectisme à tendances philosophiques et païennes. « Je suis dégoûté un peu de saint Thomas, après avoir sucé saint Augustin[1]. » À défaut des preuves internes, que fournissent les citations de Jansénius éparses dans les fragments, l’allusion de la Première Provinciale n’atteste-t-elle pas à quel point

  1. Let. du 5 mars 1621 in Sainte-Beuve, Port-Royal, 5e éd., t. 1, p. 293.