Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/114

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qu’il y avoit dans les pays étrangers une autre personne de la famille, et on lui écrivit par bienséance. Descartes ne se consola point de n’avoir pas reçu les dernières paroles et les derniers embrassements de son père. Il n’eut pas plus à se louer de son frère dans les arrangements qu’il fit avec lui pour ses affaires de famille et les règlements de succession. Ce frère étoit un homme intéressé et avide, et qui savoit bien que les philosophes n’aiment point à plaider ; en conséquence, il tira tout le parti qu’il put de cette douceur philosophique. Il faut convenir que les neveux de Descartes rendirent à la mémoire de leur oncle tout l’honneur qu’il méritoit ; mais le nom de Descartes étoit alors le premier nom de la France.

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Élisabeth de Bohême, princesse palatine, fille de ce fameux électeur palatin qui disputa à Ferdinand II les royaumes de Hongrie et de Bohême, née en 1618. On sait qu’elle fut la première disciple de Descartes. Elle eut encore un titre plus cher : elle fut son amie ; car l’amitié fait quelquefois ce que la philosophie même ne fait pas, elle comble l’intervalle qui est entre les rangs. Élisabeth avoit été recherchée par Ladislas IV, roi de Pologne ; mais elle préféra le plaisir de cultiver son âme dans la retraite à l’honneur d’occuper un trône. Sa mère, dans son enfance, lui avoit appris six langues ; elle possédoit parfaitement les belles-lettres. Son génie la porta aux sciences profondes. Elle étudia la philosophie et les mathématiques ; mais dès que les premiers ouvrages de Descartes lui tombèrent entre les mains, elle crut n’avoir rien appris jusqu’alors. Elle le fit prier de la venir voir, pour qu’elle pût l’entendre lui-même. Descartes lui trouva un esprit aussi facile que profond ; en peu de temps, elle fut au niveau de sa géométrie et de sa métaphysique. Bientôt après Descartes lui dédia ses Principes ; il la félicite d’avoir su réunir tant de connoissances dans un âge où la plupart des femmes ne savent que plaire. Cette dédicace n’est point un monument de flatterie : l’homme qui loue y pa-