Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/197

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j’ai toujours eu de n’en point recevoir de nouvelles en ma créance dont je n’eusse des démonstrations très certaines, et de n’en point écrire qui pussent tourner au désavantage de personne. Ce qui a été suffisant pour m’obliger à changer la résolution que j’avois eue de les publier ; car, encore que les raisons pour lesquelles je l’avois prise auparavant fussent très fortes, mon inclination, qui m’a toujours fait haïr le métier de faire des livres, m’en fit incontinent trouver assez d’autres pour m’en excuser. Et ces raisons de part et d’autre sont telles, que non seulement j’ai ici quelque intérêt de les dire, mais peut-être aussi que le public en a de les savoir.

Je n’ai jamais fait beaucoup d’état des choses qui venoient de mon esprit ; et pendant que je n’ai recueilli d’autres fruits de la méthode dont je me sers, sinon que je me suis satisfait touchant quelques difficultés qui appartiennent aux sciences spéculatives, ou bien que j’ai tâché de régler mes mœurs par les raisons qu’elle m’enseignoit, je n’ai point cru être obligé d’en rien écrire. Car, pour ce qui touche les mœurs, chacun abonde si fort en son sens, qu’il se pourroit trouver autant de réformateurs que de têtes, s’il étoit permis à d’autres qu’à ceux que Dieu a établis pour souverains sur ses peuples, ou bien auxquels il a donné assez de grâce et de zèle pour être prophètes, d’entrepren-