Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/259

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ment que je suis, et que tout ensemble il se peut faire que toutes ces images, et généralement toutes les choses qui se rapportent à la nature du corps, ne soient que des songes ou des chimères. Ensuite de quoi je vois clairement que j’ai aussi peu de raison en disant, J’exciterai mon imagination pour connoître plus distinctement quel je suis, que si je disois, Je suis maintenant éveillé, et j’aperçois quelque chose de réel et de véritable ; mais, parceque je ne l’aperçois pas encore assez nettement, je m’endormirai tout exprès, afin que mes songes me représentent cela même avec plus de vérité et d’évidence. Et, partant, je connois manifestement que rien de tout ce que je puis comprendre par le moyen de l’imagination n’appartient à cette connoissance que j’ai de moi-même, et qu’il est besoin de rappeler et détourner son esprit de cette façon de concevoir, afin qu’il puisse lui-même connoître bien distinctement sa nature.

Mais qu’est-ce donc que je suis ? une chose qui pense. Qu’est-ce qu’une chose qui pense ? c’est une chose qui doute, qui entend, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent. Certes, ce n’est pas peu si toutes ces choses appartiennent à ma nature. Mais pourquoi n’y appartiendroient-elles pas ? Ne suis-je pas celui-là même qui maintenant doute presque de tout, qui néanmoins entend et con-