Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/362

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car la réalité objective est une pure dénomination : actuellement elle n’est point. Or l’influence que donne une cause est réelle et actuelle : ce qui actuellement n’est point, ne la peut pas recevoir, et partant ne peut pas dépendre ni procéder d’aucune véritable cause, tant s’en faut qu’il en requière. Donc j’ai des idées, mais il n’y a point de causes de ces idées ; tant s’en faut qu’il y en ait une plus grande que moi et infinie.

Mais quelqu’un me dira peut-être, Si vous n’assignez point de cause aux idées, dites-nous au moins la raison pourquoi cette idée contient plutôt cette réalité objective que celle-là : c’est très bien dit ; car je n’ai pas coutume d’être réservé avec mes amis, mais je traite avec eux libéralement. Je dis universellement de toutes les idées ce que M. Descartes a dit autrefois du triangle : « Encore que peut-être, dit-il, il n’y ait en aucun lieu du monde hors de ma pensée une telle figure, et qu’il n’y en ait jamais eu, il ne laisse pas néanmoins d’y avoir une certaine nature, ou forme, ou essence déterminée de cette figure, laquelle est immuable et éternelle. » Ainsi cette vérité est éternelle, et elle ne requiert point de cause. Un bateau est un bateau, et rien autre chose ; Davus est Davus, et non Œdipus. Si néanmoins vous me pressez de vous dire une raison, je vous dirai que cela vient de l’imperfection de notre esprit, qui n’est