Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

immuable et éternelle ; » et laquelle il dit n’avoir pas besoin de cause. Ce que néanmoins il a bien jugé ne pouvoir pas satisfaire ; car, encore que la nature du triangle soit immuable et éternelle, il n’est pas pour cela moins permis de demander pourquoi son idée est en nous. C’est pourquoi il a ajouté : « Si néanmoins vous me pressez de vous dire une raison, je vous dirai que cela vient de l’imperfection de notre esprit, etc. » Par laquelle réponse il semble n’avoir voulu signifier autre chose, sinon que ceux qui se voudront ici éloigner de mon sentiment ne pourront rien répondre de vraisemblable. Car, en effet, il n’est pas plus probable de dire que la cause pourquoi l’idée de Dieu est en nous soit l’imperfection de notre esprit, que si on disoit que l’ignorance des mécaniques fût la cause pourquoi nous imaginons plutôt une machine fort pleine d’artifice qu’une autre moins parfaite ; car, tout au contraire, si quelqu’un a l’idée d’une machine dans laquelle soit contenu tout l’artifice que l’on sauroit imaginer, l’on infère fort bien de là que cette idée procède d’une cause dans laquelle il y avoit réellement et en effet tout l’artifice imaginable, encore qu’il ne soit qu’objectivement et non point en effet dans cette idée. Et par la même raison, puisque nous avons en nous l’idée de Dieu, dans laquelle toute la perfection est contenue que l’on puisse jamais concevoir, on peut de