Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/392

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fin, comme l’étendue des espaces imaginaires, la multitude des nombres, la divisibilité des parties de la quantité, et autres choses semblables, je les appelle indéfinies et non pas infinies, parceque de toutes parts elles ne sont pas sans fin ni sans limites.

De plus je mets distinction entre la raison formelle de l’infini, ou l’infinité, et la chose qui est infinie. Car, quant à l’infinité, encore que nous la concevions être très positive, nous ne l’entendons néanmoins que d’une façon négative, savoir est de ce que nous ne remarquons en la chose aucune limitation : et quant à la chose qui est infinie, nous la concevons à la vérité positivement, mais non pas selon toute son étendue, c’est-à-dire que nous ne comprenons pas tout ce qui est intelligible en elle. Mais tout ainsi que, lorsque nous jetons les yeux sur la mer, on ne laisse pas de dire que nous la voyons, quoique notre vue n’en atteigne pas toutes les parties et n’en mesure pas la vaste étendue ; et de vrai, lorsque nous ne la regardons que de loin, comme si nous la voulions embrasser toute, avec les yeux, nous ne la voyons que confusément : comme aussi n’imaginons-nous que confusément un chiliogone, lorsque nous tâchons d’imaginer tous ses côtés ensemble ; mais lorsque notre vue s’arrête sur une partie de la mer seulement, cette vision alors peut être fort claire et fort distincte, comme