Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/397

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et toutes les autres idées n’aperçoivent fort bien qu’encore que nous ne concevions jamais les autres choses sinon comme existantes, il ne s’ensuit pas néanmoins de là qu’elles existent, mais seulement qu’elles peuvent exister ; parceque nous ne concevons pas qu’il soit nécessaire que l’existence actuelle soit conjointe avec leurs autres propriétés, mais que de ce que nous concevons clairement que l’existence actuelle est nécessairement et toujours conjointe avec les autres attributs de Dieu, il suit de là nécessairement que Dieu existe. Puis, pour ôter l’autre partie de la difficulté, il faut prendre garde que les idées qui ne contiennent pas de vraies et immuables natures, mais seulement de feintes et composées par l’entendement, peuvent être divisées par l’entendement même, non seulement par une abstraction ou restriction de sa pensée, mais par une claire et distincte opération ; en sorte que les choses que l’entendement ne peut pas ainsi diviser n’ont point sans doute été faites ou composées par lui. Par exemple, lorsque je me représente un cheval ailé, ou un lion actuellement existant, ou un triangle inscrit dans un carré, je conçois facilement que je puis aussi tout au contraire me représenter un cheval qui n’ait point d’ailes, un lion qui ne soit point existant, un triangle sans carré ; et partant, que ces choses n’ont point de vraies et immuables natures. Mais si je me repré-