Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/83

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d’avoir été frugal, modéré, bienfaisant, pauvre à la fois et généreux, simple comme le sont tous les grands hommes ; plein de respect, comme Newton, pour la Divinité ; comme lui, fidèle à la religion ; aimant à s’occuper dans la retraite et avec ses amis de l’idée de Dieu. Malheur à celui qui ne trouveroit pas dans cette idée, si grande et si consolante, les plus doux moments de sa vie ! D’ailleurs, toutes ces vertus ne distinguoient point un homme aux siècles de nos pères. Mais je remarquerai que, quoique sa fortune ne pût pas suffire à ses projets, jamais il n’accepta les secours qu’on lui offrit. Ce n’étoit pas qu’il fût effrayé de la reconnoissance ; un pareil fardeau n’épouvante point une âme vertueuse : mais le droit d’être le bienfaiteur d’un homme est un droit trop beau pour qu’il l’accorde avec indifférence. Peut-être faudroit-il choisir encore avec plus de soin ses bienfaiteurs que ses amis, si ces deux titres pouvoient se séparer : ainsi pensoit Descartes (31). Avec ses sentiments, son génie et sa gloire, il dut trouver l’envie à Stockholm, comme il l’avoit trouvée à Utrecht, à La Haye et dans Amsterdam. L’envie le suivoit de ville en ville, et de climat en climat ; elle avoit franchi les mers avec lui, elle ne cessa de le poursuivre que lorsqu’elle vit entre elle et lui un tombeau (32) : alors elle sourit un moment sur sa tombe, et courut dans Paris,