Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome I.djvu/84

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où la renommée lui dénonçoit Corneille et Turenne.

Hommes de génie, de quelque pays que vous soyez, voilà votre sort. Les malheurs, les persécutions, les injustices, le mépris des cours, l’indifférence du peuple, les calomnies de vos rivaux ou de ceux qui croiront l’être, l’indigence, l’exil, et peut-être une mort obscure à cinq cents lieues de votre patrie, voilà ce que je vous annonce. Faut-il que pour cela vous renonciez à éclairer les hommes ? Non, sans doute. Et quand vous le voudriez, en êtes-vous les maîtres ? Êtes-vous les maîtres de dompter votre génie, et de résister à cette impulsion rapide et terrible qu’il vous donne ? N’êtes-vous pas nés pour penser, comme le soleil pour répandre sa lumière ? N’avez-vous pas reçu comme lui votre mouvement ? Obéissez donc à la loi qui vous domine, et gardez-vous de vous croire infortunés. Que sont tous vos ennemis auprès de la vérité ? Elle est éternelle, et le reste passe. La vérité fait votre récompense ; elle est l’aliment de votre génie, elle est le soutien de vos travaux. Des milliers d’hommes, ou insensés, ou indifférents, ou barbares, vous persécutent ou vous méprisent ; mais dans le même temps il y a des âmes avec qui les vôtres correspondent d’un bout de la terre à l’autre. Songez qu’elles souffrent et pensent avec vous ; songez que les Socrate et les Platon, morts