Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome IV.djvu/161

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cause qu’elles peuvent n’arriver pas, et par ce moyen nous affliger d’autant plus que nous les aurons plus souhaitées, mais principalement à cause qu’en occupant notre pensée elles nous détournent de porter notre affection à d’autres choses dont l’acquisition dépend de nous. Et il y a deux remèdes généraux contre ces vains désirs : (438) le premier est la générosité, de laquelle je parlerai ci-après ; le second est que nous devons souvent faire réflexion sur la Providence divine, et nous représenter qu’il est impossible qu’aucune chose arrive d’autre façon qu’elle a été déterminée de toute éternité par cette Providence ; en sorte qu’elle est comme une fatalité ou une nécessité immuable qu’il faut opposer à la fortune, pour la détruire comme une chimère qui ne vient que de l’erreur de notre entendement. Car nous ne pouvons désirer que ce que nous estimons en quelque façon être possible, et nous ne pouvons estimer possibles les choses qui ne dépendent point de nous qu’en tant que nous pensons qu’elles dépendent de la fortune, c’est-à-dire que nous jugeons qu’elles peuvent arriver, et qu’il en est arrivé autrefois de semblables. Or cette opinion n’est fondée que sur ce que nous ne connaissons pas toutes les causes qui contribuent à chaque effet ; car, lorsqu’une chose que nous avons estimée dépendre de la fortune n’arrive pas, cela témoigne que quelqu’une