Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome IV.djvu/163

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nous en devions estimer le succès entièrement fatal et immuable, afin que notre désir ne s’y occupe point, nous ne devons pas laisser de considérer les raisons qui le font plus ou moins espérer, afin qu’elles servent à régler nos actions. Car, par exemple, si nous avons affaire en quelque lieu où nous puissions aller par deux divers chemins, l’un desquels ait coutume d’être beaucoup plus sûr que l’autre, bien que peut-être le décret de la Providence soit tel que si nous allons par le chemin qu’on estime le plus sûr nous ne manquerons pas d’y être volés, et qu’au (440) contraire nous pourrons passer par l’autre sans aucun danger, nous ne devons pas pour cela être indifférents à choisir l’un ou l’autre, ni nous reposer sur la fatalité immuable de ce décret ; mais la raison veut que nous choisissions le chemin qui a coutume d’être le plus sûr ; et notre désir doit être accompli touchant cela lorsque nous l’avons suivi, quelque mal qu’il nous en soit arrivé, à cause que ce mal ayant été à notre égard inévitable, nous n’avons eu aucun sujet de souhaiter d’en être exempts, mais seulement de faire tout le mieux que notre entendement a pu connaître, ainsi que je suppose que nous avons fait. Et il est certain que lorsqu’on s’exerce à distinguer ainsi la fatalité de la fortune, on s’accoutume aisément à régler ses désirs en telle sorte que, d’autant que leur accomplissement ne dépend que de