Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome IV.djvu/193

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est une passion, est une espèce de tristesse mêlée de haine qui vient de ce qu’on voit arriver du bien à ceux qu’on pense en être indignes. Ce qu’on ne peut penser avec raison que des (467) biens de fortune. Car pour ceux de l’âme ou même du corps, en tant qu’on les a de naissance, c’est assez en être digne que de les avoir reçus de Dieu avant qu’on fût capable de commettre aucun mal.

Art. 183. Comment elle peut être juste ou injuste.

Mais lorsque la fortune envoie des biens à quelqu’un dont il est véritablement indigne, et que l’envie n’est excitée en nous que parce qu’aimant naturellement la justice, nous sommes fâchés qu’elle ne soit pas observée en la distribution de ces biens, c’est un zèle qui peut être excusable, principalement lorsque le bien qu’on envie à d’autres est de telle nature qu’il se peut convertir en mal entre leurs mains ; comme si c’est quelque charge ou office en l’exercice duquel ils se puissent mal comporter. Même lorsqu’on désire pour soi le même bien et qu’on est empêché de l’avoir, parce que d’autres qui en sont moins dignes le possèdent, cela rend cette passion plus violente, et elle ne laisse pas d’être excusable, pourvu que la haine qu’elle contient se rapporte seulement à la