Page:Œuvres de Descartes, éd. Cousin, tome IV.djvu/206

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ou qu’on ne peut se venger autrement que de mine et de paroles, on emploie toute sa chaleur et toute sa force dès le commencement qu’on est ému, ce qui est cause qu’on devient rouge ; outre que quelquefois le regret et la pitié qu’on a de soi-même, parce qu’on ne peut se venger d’autre façon, est cause qu’on pleure. Et, au contraire, ceux qui se réservent et se déterminent à une (479) plus grande vengeance deviennent tristes de ce qu’ils pensent y être obligés par l’action qui les met en colère ; et ils ont aussi quelquefois de la crainte des maux qui peuvent suivre de la résolution qu’ils ont prise, ce qui les rend d’abord pâles, froids et tremblants. Mais, quand ils viennent après à exécuter leur vengeance, ils se réchauffent d’autant plus qu’ils ont été plus froids au commencement, ainsi qu’on voit que les fièvres qui commencent par le froid ont coutume d’être les plus fortes.

Art. 201. Qu’il y a deux sortes de colère, et que ceux qui ont le plus de bonté sont les plus sujets à la première.

Ceci nous avertit qu’on peut distinguer deux espèces de colère : l’une qui est fort prompte et se manifeste fort à l’extérieur, mais néanmoins qui a peu d’effet et peut facilement être apaisée ; l’autre qui ne paraît pas tant à l’abord, mais qui ronge