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DISCOURS SIXIÈME. 55

appartiennent proprement au sens de la vue, il faut penser que notre âme est de telle nature, que la force des mouvements qui se trouvent dans les endroits du cerveau d’où viennent les petits filets des nerfs optiques, lui fait avoir le sentiment de la lumière, et la façon de ces mouvements celui de la couleur, ainsi que les mouvements des nerfs qui répondent aux oreilles lui font ouïr les sons, et ceux des nerfs de la langue lui font goûter les saveurs, et généralement ceux des nerfs de tout le corps lui font sentir quelque chatouillement quand ils sont modérés, et, quand ils sont trop violents, quelque douleur, sans qu’il doive en tout cela y avoir aucune ressemblance entre les idées qu’elle conçoit et les mouvements qui causent ces idées : ce que vous croirez facilement, si vous remarquez qu’il semble à ceux qui reçoivent quelque blessure dans l’œil qu’ils voient une infinité de feux et d’éclairs devant eux, nonobstant qu’ils ferment les yeux ou bien qu’ils soient en lieu fort obscur ; en sorte que ce sentiment ne peut être attribué qu’à la seule force du coup, laquelle meut les petits filets du nerf optique, ainsi que feroit une violente lumière ; et cette même force, touchant les oreilles, pourroit faire ouïr quelque son ; et touchant le corps en d’autres parties, y faire sentir de la douleur. Et ceci se confirme aussi de ce que, si quelquefois on force ses yeux à regarder le soleil ou quelque autre lu-