Page:Œuvres de François Villon Thuasne 1923 t2.djvu/195

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COMMENTAIRE ET NOTES 183

les époques, voici un passage d'Alain Chartier que Villon devait connaître, comme les étudiants d'aujourd'hui connaissent Musset et Hugo. Le passage est tiré de V Espérance ou consolacion des III. Vertus : « Vie curial est de la nature des folles et dissolues femmes qui plus chérissent les derreniers venux, et gectent les bras au col plus ardani- mant a ceulx qui les pillent et diffament, que a ceulx qui trop les ayment et ser\'ent. » Fr. 1123, fol. iii v-iia.

Aymasse ACFI. — Malgré l'unanimité des sources, Longnon (les trois édit.) donne amasse, n'appliquant au verbe avier la diphtongaison ai qu'au présent de l'indicatif et du subjonctif (i^e, 2% 3e pers. du singu- lier et 3e p. du pluriel), comme s'il s'agissait d'un texte du xiie siècle ou du xiiie s. On connaît le refrain de la ballade de Charles d'Orléans : J'aymasse tnieidx de bouche le vous dire, ballade dont le début est : Jeune, gente, plaisant et débonnaire, dans G. Paris et E. Langlois, Chresloniathie du moyen âge (1897), p. 303, et, dans l'édit. de Champollion-Figeac (1842), bal. XX, p. 68; de même, le vers 5 de la chanson LUI, Car f ay- masse niieulx a Je dire, p. 115 (m. édit.). Aussi cette correction, exacte en soi, est-elle, en réalité, une faute pour un texte du xve siècle, car elle ne tiendrait à rien moins qu'à faire croire qu'au temps de Villon les règles de la diphtongaison étaient strictement appliquées à amer comme elles le furent jusque dans le cours du xiii"^ s. A cette époque, on trouve d'ailleurs des exemples de l'infinitif û/w/er ; et, au xiv^ s., il y a une véritable confusion des formes (fortes et faibles) amer et aimer : la diphtongaison s'imposant d'une façon à peu près définitive à la fin xye siècle pour le verbe entier, sauf dans la formule de chancellerie royale a nos amés et féaux... et qui persista jusqu'à la Révolution fran- çaise. Encore rencontre-t-on de fréquentes exceptions. Ainsi, dans la suscription d'une lettre de Louis XI au comte de Dammartin, on lit : « A nostre chier et ayraé cousin... «(édit. Vaesen, t. IV, p. 143 (1470). De même, dans « la teneur du Privilège » de la Grant Dcablerie, on trouve : « Nostre cher et bien aymé Maistre Eloy d'Amerval.. » — « Blois, 29 janvier 1507. » — On verra par les variantes ici relevées et dans le reste de l'œuvre de Villon que les scribes, à cet égard, ne sui- vaient guère d'autre règle que celle de leur fantaisie, à l'exception tou- tefois de celui de A qui applique toujours l'ancienne règle, sauf aux vers 478 et 579 du Testament, et de celui de / qui fait partout indistinc- tement la diphtongaison. Cf. Burguy, Grammaire de la langue d'oïl, t. I, p. 280, Gaston Paris, Etude sur le rôle de V accent latin dans la langue fr. (1862, in-8°), p. ICI ; Brachet, Grammaire hist. (8e édit.), p. 188-189 ; F. Brunot, Hist. de la langue fr. (1905), t. I, p. 441, etc.

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