Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/152

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C’était un oiseleur qui, d’un coup de résille,
Attrapait Elvira, Léonor, Inésille,
Papillons qu’au Prado le soir voyait courir,
Si frêles qu’un baiser trop lourd les fit mourir,
Et si beaux qu’on aurait enrichi vingt chapelles
Avec la poudre d’or que secouaient leur ailes.
Convoitait-il un ange aux cheveux noirs ou blonds,

Son échelle de soie avant tant d’échelons
Qu’il eût, de cieux en cieux, pu monter, je parie,
Pour baiser les pieds nus de la vierge Marie.
Si la foudre eût bougé, prêt à tous les combats,
À la vieille groudeuse il aurait dit : Plus bas !
Par une corde à puits te hissant aux gouttières,
Toi, tu vas dénicher des filles de portières ;
Auprès de la beauté qui te doit sa pâleur,
La duègne, qui plaida ta cause avec chaleur,
Ne froisse étincelants ni missel ni rosaire,
A des haillons pour mante, et pour nom : la Misère.
L’oiseau dans tes filets ne tomba pas vaincu
À l’appel de ton chant, mais au son d’un écu.
Tu n’as rien, fils du nord, de ce sang qui pétille
Sous un regard de femme, au soleil de Castille ;
Sang créateur des Cids, qui plus tard même a pu
Produire encor des Juans, lorqu’il s’est corrompu.
Le peuple, ivre de faim, qui ronfle au coin des bornes,