Page:Œuvres de Hégésippe Moreau (Garnier, 1864).djvu/287

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retenaient avec des cris et des pleurs. « Oh ! ne nous quittez pas encore, disaient-ils ; et que deviendrons-nous, bon Dieu ! seuls, la nuit, quand la lampe s’éteindra, quand le loup montrera ses grands yeux à travers les fentes de la porte, et que nous entendrons dans la clairière siffler les vents et les voleurs ? »

Et la bonne fée souriait et cédait toujours ; mais enfin les esprits de l’air, troublés, lui apportèrent à la hâte les sons d’une voix tonnante : « Angélina ! Angélina ! » C’était la reine des fées qui l’appelait, irritée d’une si longue absence. Épouvantée, Angélina se débarrassa des petites mains qui l’enchaînaient et sortit. Trop vite, hélas ! car, dans son trouble, elle oublia sa baguette, dont le plus jeune des enfants s’était fait, sans songer à mal, un hochet dans son berceau. Or, vous saurez, ma sœur, qu’une fée qui perd sa baguette est une fée perdue. La pauvre Angélina ne s’aperçut de son malheur qu’à l’explossion de murmures qui salua son retour au palais ; car ce fut un grand scandale pour toutes les fées, et une grande joie pour les vieilles, enchantées d’humilier enfin une compagne dont les charmes et la bonté faisaient ressortir leur malice et leur laideur. Quelques jeunes gens aussi, princes, sorciers et enchanteurs, dont Angélina, toute bonne qu’elle était, n’avait pu s’empêcher de railler quelquefois la suffisance, triomphaient de sa confusion. « Parole d’honneur ! répétait aux jeunes fées le prince Myrtil, qui n’était pas sorcier, avec ses grands airs de vertu votre Angélina n’est qu’une bégueule. Ah ! elle a perdu sa baguette !… Eh bien ! figurez-vous, mesdames, qu’un jour je m’avisai de toucher à cette baguette maudite, et que la petite masque m’en donna sur les doigts